Ce qui était une force, mais aussi une fragilité, car l’engagement dépendait de la conviction d’une personnalité, pas d’une structure », se rappelle-t-elle. Entre 2005 et 2010, Fella Imalhayene bénéficie d’interlocuteurs politiques dédiés à la cause (Azouz Begag, Fadela Amara, Yazid Sabeg), élément déterminant pour ses campagnes de sensibilisation : « Quand vous allez en région et que les chefs d’entreprises peuvent se photographier à côté d’un ministre, ça a du poids. Ça leur donne le sentiment qu’il s’agit de quelque chose d’important, et légitime leur engagement ». Par ailleurs, un nombre croissant d’entreprises, ébranlées par des révoltes qui ont eu lieu sur le territoire où elles sont implantées, rejoignent la Charte. Etre imperméable à son terrain d’ancrage, c’est aussi risquer d’être vu comme un acteur spoliant les ressources locales, risquer, alors, d’être pris à parti, physiquement, dans ses stocks, ses unités de production. Parrainage, soutien à l’aide scolaire, initiatives à l’image de « Nos quartiers ont du talent », Passeport Avenir et Mosaïque RH se développent alors en lien avec les entreprises. « Mais ces espoirs ont été déçus parce que nos moyens ne nous permettaient pas de répondre, sur tous les plans, à ce qui est un vrai sujet de société ».
« Mais ces espoirs ont été déçus parce que nos moyens ne nous permettaient pas de répondre, sur tous les plans, à ce qui est un vrai sujet de société ».
En 2013, la Suède connait des mouvements de révoltes urbaines dans des circonstances similaires, à Stockholm. Fella est sollicitée par le ministre de l’Intérieur suédois, qui souhaite impulser une démarche à l’image de la charte, dans son pays.
« Les Suédois sont très pragmatiques, ils déploient des actions en mobilisant le corpus juridique » note amèrement Fella.
En France, au même moment, les événements de 2005 se sont effacés des consciences. Depuis une poignée d’années, la Charte n’est portée que par les entreprises seules. Fella a perdu, les uns après les autres, ses interlocuteurs politiques. Certes, leurs missions semblaient répondre davantage à une logique de communication. Certes, leur considération et les moyens qui leur étaient alloués ne permettaient pas d’avancer concrètement sur ces questions de fonds. Mais en l’absence complète de relais politique, l’engagement des entreprises autour des quartiers s’essouffle, alors même que la lutte contre les discriminations avance, à l’aide du législatif, sur les critères liés à l’âge, à l’égalité hommes-femmes, au handicap.
A l’heure du bilan